Note d'intention...
Ce matin-là ma gardienne, le poing sur sa hanche, s’offusquait: « Mais quelle époque! Tous les jours il se passe quelque chose qui nous rend complètement marteau ! »
Flash-back : Je me souviens…Nous sommes dans les années 70. Chaque semaine, une étonnante BD parait dans le « Nouvel Observateur ». C’est« La femme assise » dessinée par l’auteur argentin Copi.
Je la revois encore avec son gros nez en forme de dirigeable, ses cheveux raides comme des baguettes et son œil aussi petit qu’un point noir et surtout : Toujours assise ! Toujours à droite du dessin et de profil, elle regarde vers la gauche.
Et de là, il arrive toujours quelqu’un : un poulet, une dinde, un petit vieux, un rat, une gamine, un curé, un escargot et même un martien ! Sortes de miroirs d’un monde marginal en turbulence,
Ils viennent chacun à leur façon questionner leurs différences sexuelles. Les réponses de la dame sont hésitantes, longuement réfléchies pour à la fin dire : « Tous les matins il m’arrive quelque chose qui me rend la journée hystérique ! »
J’entreprends donc de suivre les traces de ces rencontres insolites pour questionner notre rapport à l’autre dans un monde qui aujourd’hui semble avoir perdu le goût du bonheur à être différent.
Si Copi revenait, lui serait-il encore permis de nous embarquer aussi joyeusement dans les sphères affolées de la différence sexuelle et de rire de nos tabous ?
Mais qui donc est cette dame assise si énigmatique?
Une grande rêveuse solitaire qui dialogue avec des visiteurs venus chambouler avec désinvolture les frontières de la bienséance ? Une bourgeoise conformiste ? Une concierge de gauche ? Une idéaliste totémique ?
Que nous raconte-t-elle de cette époque insouciante, scandaleusement créative et extravagante où la croyance en une liberté d’expression semblait acquise pour l’éternité?
Pour répondre à toutes ces questions « La femme assise » a décidé de se remettre en scène. Elle et ses visiteurs demandent la parole car ils ne veulent pas du monde unitaire global qu’on leur propose.
Ils veulent faire résonner en chacun de nous la question de l’altérité : celle qui se risque à la rencontre de l’autre dans sa différence et son étrangeté par le dialogue.
« Une découverte urgente dans notre climat soumis au politiquement et moralement correct. Car en vérité c’est le regard caustique de Copi qui nous manque à présent pour nous réveiller, pour casser le ronron conformiste des industries culturelles …» (Henry Chapier 2006) !